mardi 27 mai 2008

Le jeu des sept erreurs


La Liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix, 1830.



İnkılap yolunda (Sur la voie de la révolution), Zeki Faik İzer, 1933.

vendredi 23 mai 2008

L'insoutenable légèreté du Routard


Ce qui est fascinant avec des guides touristiques comme Le Routard, c'est la visée totalisante qu'ils portent sur chaque pays en quelques centaines de pages. Il proposent des éléments de connaissance (pas trop non plus) dans tous les domaines possibles et imaginables (cf. chapitre Généralités: où Droits de l'Homme côtoie Narghilé, Harem ou Femmes et Sexualité), un vrai prêt-à-penser pour le touriste de passage. Je passerai sur la prétention de répertorier tous les sites qu'il faut visiter ou de dicter ce qui est beau pour en venir au point central : il arrive que les guides se trompent et commettent des erreurs factuelles impardonnables et graves pour celui qui les croit.
Mieux que de long discours: l'exemple de la couverture du coup d'Etat de 1980 qui comme par magie (même la propagande de l'armée turque ne doit pas être aussi grossière) incarnerait le triomphe de la démocratie et de l'Etat de droit. A moins que je ne sache pas lire. A vous de juger.
Routard Turquie 2006-2007 p.74 :
" En 1980, l'armée reprend le pouvoir. Fait exceptionnel dans l'histoire, l'armée turque s'arroge le pouvoir quand les civils n'arrivent pas à faire respecter l'ordre. Dès que le risque de guerre civile est écarté, l'armée organise ... des élections! Ainsi, en 1983, les partis politiques sont à nouveau autorisés."
Et que fait l'armée pour faire respecter l'ordre avant d'"organiser des élections" (élections=démocratie ??, il y a aussi des élections dans la plupart des dictatures), une petite répression sans conséquences qu'il n'est surtout pas utile de mentionner car ça prendrait trop de place. L'historien Hamit Bozarslan dresse ainsi le bilan de trois ans de pouvoir militaire :
" Une cinquantaine de militants, pour l'essentiel de gauche, furent exécutés (le plus jeune n'étant pas majeur). Plus de 400 militants de gauche furent abattus, torturés à mort et portés disparus. Plus de 650 000 personnes furent placés en garde à vue, 85 000 emprisonnées souvent pour de longues périodes. (..) Des milliers d'intellectuels et de journalistes partagèrent l'expérience carcérale. Les universités furent purgées ...". La liste pourrait continuer longtemps, moeurs, économie, éducation, institutions, tous les secteurs de la société furent profondément affectés par le régime militaire.
Source: Bozarslan Hamit, Histoire de la Turquie contemporaine,Paris, La Découverte, Repères, 2007, p. 66.

lundi 19 mai 2008

Türk Polisi çok teşekkürler !



Alors que je prenais en photo ces deux superbes affiches à la gloire de la police (« Istanbul est une ville sûre, je remercie la police turque » pour la première et « Si je n’étais pas devenu footballeur, je serais devenu policier pour lutter contre le hooliganisme » pour l’autre) voilà que deux policiers que je n’avais pas vu m’abordent. En effet, je n’avais pas remarqué que ces magnifiques photos ornaient l’enceinte de la préfecture de police, bâtiment hautement stratégique (au demeurant super laid) qu’il est interdit de photographier. Ils me demandent ce que je fais là, je leur dis que je prends en photo les photos. Ils me rappellent que c’est interdit et me demandent pourquoi je prends ces photos. « Parce que ce sont des footballeurs célèbres », j’improvise en urgence car je ne pense pas qu’ils auraient apprécié que je leur lance: « Pour l’amour de la propagande absurde ! ».
Ils demandent à voir mes clichés, je leur montre et constatant que je n’ai pris que les affiches, ils me laissent la vie sauve. Il faut dire que comme à l'accoutumé ils portent en bandoulière une mitraillette et ont constamment le doigt sur la gâchette. Puis ils engagent la conversation, depuis quand es-tu en Turquie ? … Ils me félicitent pour mon niveau de turc. Je leur demande où est la station de métro et ils m’accompagnent jusqu’au croisement. En chemin, il me posent d’autres questions. En apprenant que je suis français, un policier me répond qu’il a des amis en France. Il les a rencontré sur internet, Damien et Clarisse et ils discutent en anglais. Ils m’indiquent une dernière fois la route et me saluent. De vrais gentlemen.
Ben de Türk Polisi tesekkür ediyorum.
Et puisque cette journée devait être marquée du sceaux de la sécurité, je ne fus pas au bout de mes surprises en rencontrant un jeune apprenti officier dans le Métro. Il pensait que j’étais turc et que je venais d’Izmir en voyant mon journal turc. Il a 14 ans et étudie au lycée militaire d’Üsküdar, il se prépare à devenir un officier de l’armée de terre en rejoignant auparavant l’université militaire. Quand je lui demande pourquoi il veut devenir militaire, il me répond en anglais (il me dit aussi que l’anglais est la matière la plus importante à l’école militaire) que les officier sont des « strong man » mais je n’en saurai guère plus. Malgré son jeune âge, il accepte la discipline qu’il faut observer pour suivre une telle formation et trouve même cela positif. Son prénom est Iskender (Alexandre) et son nom Aznavur. Je lui dis qu’un chanteur français très célèbre, Charles Aznavur, a le même nom et après quelques hésitations je lui demande aussi s’il est d’origine arménienne. Il me répond qu’il ne sait pas mais que c’est intéressant parce que c’est la première fois qu’on le lui apprenais. Après quelques recherches sur internet, je trouve que le mot aznavur signifie "homme fort" (quelle prédestination) en turc, mais aussi j'ai trouvé "géorgien" comme traduction. Le mystère reste entier sur l'origine du nom, peut-être le nom d'Aznavour (le vrai nom de Charles étant Aznavourian) est-il plutôt d'origine turque ou géorgienne ? Son père est un arménien né en Géorgie d'après la bio. Et quid d'İskender ?

dimanche 11 mai 2008

C'est ici que vit le jour GAZI MUSTAFA KEMAL ...



J'étais en voyage à Salonique en Grèce la semaine dernière et je ne pouvais donc rater sous aucun prétexte la visite de la maison natale de Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938) que je n'ai plus besoin de présenter.
Donc, c'est par une belle journée de mai 1881 que le petit Mustafa (il n'avait pas encore de patronyme car c'est lui même qui va l'imposer aux turcs en 1934), fils de Ali Riza Enfendi et de Zübeyde Hanim, voit le jour dans sa belle maison ottomane de Salonique, alors grande métropole de l'Empire Ottoman.
Il n'habite dans cette maison réellement que sept ans jusqu'à la mort de son père mais reste à Salonique jusqu'en 1896, date à laquelle il rejoint le lycée militaire de Monastir avant de connaître la carrière d'officier que nous savons (n'est-ce pas?).
La maison est assez sobre et d'architecture traditionnelle ottomane, avec des poutres en bois et un crépis rose. Elle est située dans l'enceinte du consulat turc ou plûtot le consulat turc a été construit à côté de la maison d'Atatürk qui a été donnée à la Turquie par la mairie de Salonique en 1933.
Maintenant elle fait office de musée Atatürk où le pélerin peut se recueillir devant de nombreuses photos ainsi que des reliques "en provenance directe d'Ankara" nous a certifié le guide. Malheureusement, les meubles ne sont pas d'époque.J'ai pu faire la visite en compagnie de quelques touristes turcs de passage qui n'ont pas manqué de mitrailler la maison dans ses moindres recoins. J'en ai fait de même !

Sa tenue de soirée. Beau gosse !


Tong, casquette, chapelets et canne.


Photos de jeunesse, pas mal le déguisement de carnaval !


Les toilettes à la turca !

Page de la maison d'Atatürk sur le site du ministère de tourisme.

mercredi 7 mai 2008

Nuages de mai


1er Mai, le chemin de la guerre.


Mai 2008, la lutte continue !


40 ans après, ici aussi on célèbre 68.


Deniz Gezmis, le martyr révolutionnaire turc.

Quand il y en a marre il y a malabar !



You Tube est à nouveau bloqué ! Depuis hier et en vertu de la décision du tribunal d'Ankara du 24 avril dernier, j'ai le plaisir de voir apparaître pour la troisième fois en moins d'un an "BU SİTEYE ERİŞİM ENGELLENMİŞTİR" (ce site est impossible d'accès) sur la page d'accueil du site de partage de vidéos.
Après septembre et mars dernier, la récente décision de bloquage invoque toujours, la même loi n°5816 datant de 1951 et punissant les atteintes à la mémoire d'Atatürk.
Je ne vais pas me lancer dans un cours d'Histoire sur Atatürk mais pour ceux qui ont besoin de quelques rappels : vainqueur de la guerre d'indépendance contre les puissances occupantes (dont la France) qui a suivi la première guerre mondiale, fondateur de la République Turque en 1923, président de cette même République (ce qui ne veut pas dire que la Turquie était alors une démocratie) jusqu'à sa mort en 1938. Son image est encore partout, sa mémoire et ses paroles sanctifées, mais avant tout son nom est sans cesse instrumentalisé politiquement.
Cette loi, héritage d'un régime autoritaire fondé sur le culte du chef, se révèle particulièrement absurde au 21ème siècle. Dans le cas de You Tube, les vidéos incriminées proviennent la plupart du temps de l'étranger (des milieux nationalistes grecs, c'est de bonne guerre!) et sont très stupides : il y a eu notamment l'exemple d'une vidéo insultuant Ataturk et les turcs d'"homosexuels". En raison de l'existence de telles vidéos, un procureur zélé décide de lancer une procédure et ainsi de suite. A l'heure d'internet, ce type de vidéos existera toujours, l'interdiction pure et simple de tout le site est disproportionnée et représente une atteinte à la liberté d'expression.
La Jamestown fondation rapporte des commentaires ironiques du professeur Mustafa Akgul de l'université Bilkent: "Qui punissons-nous en empêchant l'accès à YouTube? [...] Il y a des milliers de livres dans la bibliothèque du parlement insulant la Turquie et Ataturk. Allons-nous aussi empêcher les turcs d'aller là-bas?".
Plus largement, ce sont de nombreux sites internet qui sont interdits encore en Turquie. Malgré les efforts entrepris dans le cadre des négociations d'adhésion à l'Union Européenne, plusieurs lois enfreignent toujours fortement la liberté d'expression dont le fameux article 301 du code pénal qui a été toiletté la semaine dernière par le parlement. Jadis il s'agissait de punir d'un maximum de trois ans de prison les atteintes à l'"identité turque" (türklük) et à la "République", désormais il touchera les insultes à la "nation turque" et à l'"Etat de la République de Turquie" pour deux ans d'incarcération au plus.
D'aucun ne dira que l'AKP qui a passé cet amendement ne joue sur les mots ! Et par quoi pourrait-on remplacer Atatürk ?
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