mercredi 7 mai 2008

Quand il y en a marre il y a malabar !



You Tube est à nouveau bloqué ! Depuis hier et en vertu de la décision du tribunal d'Ankara du 24 avril dernier, j'ai le plaisir de voir apparaître pour la troisième fois en moins d'un an "BU SİTEYE ERİŞİM ENGELLENMİŞTİR" (ce site est impossible d'accès) sur la page d'accueil du site de partage de vidéos.
Après septembre et mars dernier, la récente décision de bloquage invoque toujours, la même loi n°5816 datant de 1951 et punissant les atteintes à la mémoire d'Atatürk.
Je ne vais pas me lancer dans un cours d'Histoire sur Atatürk mais pour ceux qui ont besoin de quelques rappels : vainqueur de la guerre d'indépendance contre les puissances occupantes (dont la France) qui a suivi la première guerre mondiale, fondateur de la République Turque en 1923, président de cette même République (ce qui ne veut pas dire que la Turquie était alors une démocratie) jusqu'à sa mort en 1938. Son image est encore partout, sa mémoire et ses paroles sanctifées, mais avant tout son nom est sans cesse instrumentalisé politiquement.
Cette loi, héritage d'un régime autoritaire fondé sur le culte du chef, se révèle particulièrement absurde au 21ème siècle. Dans le cas de You Tube, les vidéos incriminées proviennent la plupart du temps de l'étranger (des milieux nationalistes grecs, c'est de bonne guerre!) et sont très stupides : il y a eu notamment l'exemple d'une vidéo insultuant Ataturk et les turcs d'"homosexuels". En raison de l'existence de telles vidéos, un procureur zélé décide de lancer une procédure et ainsi de suite. A l'heure d'internet, ce type de vidéos existera toujours, l'interdiction pure et simple de tout le site est disproportionnée et représente une atteinte à la liberté d'expression.
La Jamestown fondation rapporte des commentaires ironiques du professeur Mustafa Akgul de l'université Bilkent: "Qui punissons-nous en empêchant l'accès à YouTube? [...] Il y a des milliers de livres dans la bibliothèque du parlement insulant la Turquie et Ataturk. Allons-nous aussi empêcher les turcs d'aller là-bas?".
Plus largement, ce sont de nombreux sites internet qui sont interdits encore en Turquie. Malgré les efforts entrepris dans le cadre des négociations d'adhésion à l'Union Européenne, plusieurs lois enfreignent toujours fortement la liberté d'expression dont le fameux article 301 du code pénal qui a été toiletté la semaine dernière par le parlement. Jadis il s'agissait de punir d'un maximum de trois ans de prison les atteintes à l'"identité turque" (türklük) et à la "République", désormais il touchera les insultes à la "nation turque" et à l'"Etat de la République de Turquie" pour deux ans d'incarcération au plus.
D'aucun ne dira que l'AKP qui a passé cet amendement ne joue sur les mots ! Et par quoi pourrait-on remplacer Atatürk ?

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